Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
1168Si l’on se rappelle bien, au printemps 1999, la droite américaniste, y compris nombre d’élus républicains, était contre la guerre du Kosovo. Le 22 avril 1999, dans sa Lettre d’Information CounterPunch, Alexander Cockburn, qu’on classe plutôt à l’extrême gauche radicale qu'à la droite extrême, écrivait : »Peut-être notre seul espoir maintenant se trouve-t-il dans la tradition isolationniste républicaine. La confusion est si grande aujourd’hui qu’il ne nous reste plus qu’à voter pour Pat Buchanan et Dan Quayle, les seuls candidats à s’opposer à la guerre…”
C’est cette idée qui réapparaît dans l’article de Jack Hunter, dans The American Conservative du 11 décembre 2009. Voici le début de sa chronique:
«For eight long years under George W. Bush, conservatives endorsed a don’t ask, don’t tell foreign policy–they did not really ask why their country was at war and Republican leaders did not tell, or bother, Americans with any of the gory details. Missions were accomplished, we fought them over there so we didn’t have to fight them here and troops were supported by simply supporting the wars they fought, with little to no dissent. But why were we fighting? What was “victory?” How many had to die? What was the cost? Conservatives did not ask-Republican politicians did not tell.
»But some Republicans are finally asking. Regarding President Obama’s decision to escalate the war in Afghanistan, columnist Reihan Salam writes: “Rep. Jason Chaffetz, a Utah Republican known for his independent streak, has made a conservative case for withdrawal.” Says Chaffetz: “Our military is not a defensive force for rough neighborhoods around the world. They are trained to be an offensive, mission-driven military force to protect the United States of America. They are not trained to be nation builders or policemen… If our mission in Afghanistan is simply to protect the populace and build the nation, then I believe the time has come to bring our troops home.”
»Is Chaffetz’s position on Afghanistan a sign of things to come? Salam thinks so, writing: “my guess is that by the 2010 congressional elections, dozens of Republican candidates will be doing the same across the country.”»
…Curieux, en effet. Dans le même article, Hunter cite le Représentant républicain John J. Duncan, Jr, du Tennessee, citant lui-même le Center of Defense Information, think tank très spécialisé, très qualifié sur les questions d’armement, anti-guerre sans aucun doute, mais dénoncé en général et avec hargne par la droite US comme “progressiste” et clairement de gauche (Duncan : The Center for Defense Information said a few months ago that we had spent over $400 billion on the war and war-related costs there…»). La référence est significative de l’état d’esprit, encore plus que de la volonté de rechercher une information de qualité. Il est historiquement évident que la droite républicaine, donc le parti républicain en bonne partie, est isolationniste et anti-interventionniste. La Guerre froide interrompit cela et la fin de la Guerre froide amorça un retour à cette tradition, mis en évidence par l’attitude des républicains durant la guerre du Kosovo. Puis ce fut 9/11.
Historiquement, la poussée belliciste qui suivit 9/11 sous une présidence républicaine, avec quelques caractères assez étranges aux commandes (Cheney, Rumsfeld), représentait d’abord un “kidnapping” de l’orientation républicaine par une clique – les néo-conservateurs – dont on sait les origines de gauche et d’extrême gauche (trotskiste), le passage par les démocrates interventionnistes et pro-israéliens (type Henry Scoop Jackson), la promotion de l’interventionnisme néo-wilsonien (également démocrate) en même temps que le bellicisme pro-israélien et ainsi de suite. 9/11 bouleversa à nouveau le retour aux traditions de l’après-Guerre froide, cela avec une direction républicaine qui paralysait les réflexes républicains traditionnels. (On notera pourtant que même un Rumsfeld, à côté de ses aspects affairistes divers, était partisan d’une guerre en Irak ultra-rapide et d’un retrait également très rapide, par tradition républicaine. Mais la dégradation de la situation irakienne empêcha évidemment tout débat dans ce sens.)
Mais maintenant qu’il s’agit de l’Afghanistan – loin d’Israël par conséquent – et qu’il s’agit d’un président démocrate qui soulève autant de haines chez ses adversaires qu’il sembla soulever d’enthousiasme chez ses partisans? Les premiers signes d’un tournant plutôt électoraliste qu’on avait précédemment signalés pourraient annoncer une évolution beaucoup plus profonde chez les républicains. Effectivement, on devrait très vite en savoir plus long sur cette hypothèse d’ici novembre 2010 et les élections mid-term. Si la guerre ne se révèle pas aussitôt comme le succès foudroyant que certains stratèges du Pentagone en attendent, on pourrait avoir la surprise de voir apparaître une très sérieuse opposition de droite républicaine à la guerre. Face à cela, l’enthousiasme, à gauche, pour soutenir Obama et sa guerre serait évidemment bien réduit puisque l’élection d’Obama se fit implicitement sur l’idée de l’abandon de la politique belliciste pour une partie non négligeable de son électorat.
Evidemment, la situation reste confuse, tant les étiquettes et les idéologies ont été malmenées par les événements, mais elle l’est moins qu’en 1999, parce que la puissance US est dans une situation infiniment dégradée et avec des problèmes intérieurs colossaux par rapport à cette époque, et que le Kosovo n’a rien à voir avec l’Afghanistan en fait de fardeau militaire et économique. Une opposition républicaine serait d’autant mieux concevable qu’elle rencontrerait un sentiment populaire puissant, aussi bien sur le conflit lui-même (49% des Américains opposés à la guerre) que vis-à-vis de nombreux aspects de la politique d’Obama. Nombre de politiciens républicains trouveraient sans aucun doute dans un tel tournant une occasion de se rapprocher de mouvements populistes du type Tea Party.
De toutes les façons, une telle évolution constituerait un bien étrange parcours pour le président Barack Obama. L’énigme que constituaient le candidat Obama et le président BHO dans ses premiers mois de pouvoir commence à se dissiper d’une façon décisive. Drôle de spectacle.
Mis en ligne le 12 décembre 2009 à 14H04
Forum — Charger les commentaires